Faut-il constituer une société immobilière ? 

En réalité, il n’existe pas de forme de société spécifique lorsque l’on parle d’une société immobilière. Une société immobilière consiste en la constitution d’une société commerciale classique telle que prévue par le Code des sociétés (SPRL, SA, SCRL, etc.) dont l’objet statutaire est la gestion d’un patrimoine immobilier.

Détenir des immeubles sous la forme d’une société, plutôt qu’en personne physique, permet de bénéficier de certains avantages notamment sur le plan fiscal, que ce soit au niveau de l’impôt sur les revenus, du précompte immobilier ou des droits d’enregistrement ainsi que sur le plan de la planification successorale.

 

L’Impôt sur les revenus

 

De manière générale, le régime fiscal de la détention d’un patrimoine immobilier par une société est plus avantageux que la détention d’immeubles par une personne physique.

 

Si la personne physique détient les immeubles dans le but d’en retirer des revenus locatifs, il y a alors un calcul à faire afin de déterminer s’il est plus avantageux de procéder sous couvert d’une société ou en tant que personne physique.

 

Un des plus grands avantages issu de la détention d’immeubles à revenus locatifs en société est la possibilité de déduire tous les frais d’entretien et de conservation relatifs aux immeubles ainsi que les intérêts d’emprunt sans limitation de montant, contrairement à la situation d’un bailleur personne physique qui se voit imposer un plafond légal. Notons qu’il est évident que la société doit tout de même veiller à se réserver la preuve du lien qui existe entre les charges ainsi déduites et l’exercice de son activité.

 

Contrairement à une personne physique, une société peut également déduire d’autres éléments de sa base imposable qui ne sont pas négligeables : les frais accessoires relatifs à l’acquisition de l’immeuble tels que les frais de notaire, les droits d’enregistrement, la TVA non récupérable et autres taxes ainsi que l’amortissement linéaire de l’immeuble sous respect des limites prévues par le Code d’Impôts sur les revenus.

 

Il faut également rappeler qu’en fonction de l’importance des revenus, le taux d’impôt des sociétés est généralement inférieur au taux d’imposition des personnes physiques qui lui, est progressif par tranches. N’oublions pas que le contribuable, qu’il soit une société ou une personne physique, est imposé sur base du montant du loyer réel perçu dès que l’immeuble donné en location est utilisé à des fins professionnelles.

 

Un des seuls intérêts au niveau fiscal de la détention d’immeubles en tant que personne physique concerne le cas où le propriétaire donne ses immeubles en location à d’autres personnes physiques à titre privé, sans que les biens ne puissent être affectés à l’exercice d’une activité professionnelle quelconque. Dans ce cas, le bailleur sera imposé sur base du revenu cadastral revalorisé du bien qui est généralement moindre que le loyer réel perçu.

 

Il faut également envisager la situation dans laquelle le détenteur de l’immeuble retire une plus-value de la vente de son bien. Une société sera toujours imposée sur le montant de cette plus-value tandis que la personne physique ne le sera pas, pour autant qu’il ne s’agisse pas d’une opération purement spéculative et que le bien soit resté dans le patrimoine du contribuable pendant plusieurs années avant d’être revendu.

Les droits d’enregistrement

 

En principe, toute cession par convention de vente d’un immeuble implique le paiement de droits d’enregistrement par l’acquéreur à un taux de 12,5% sur la valeur de l’acquisition. Depuis 1994, ce même taux est également applicable lors de l’apport d’un immeuble dans le patrimoine d’une société lorsque cet immeuble est affecté, même partiellement, à l’habitation.

 

La société ne sera cependant redevable que d’un droit d’enregistrement de 0 % lorsque l’immeuble apporté en contrepartie d’une augmentation de capital n’est pas destiné à l’habitation (mais à l’exercice d’une activité professionnelle par exemple).

 

 

Bail emphytéotique

 

Il est malheureusement rare qu’un immeuble ne comporte, même partiellement, de partie destinée à l’habitation si bien que l’application du taux de droit d’enregistrement de 12,5 % est difficilement évitable lors d’un apport en société.

 

Cependant, il existe une alternative fiscalement très intéressante permettant de réduire sensiblement le taux applicable.

 

En effet, la constitution d’un droit d’emphytéose sur un immeuble, c’est-à-dire concéder le droit de jouissance d’un bien pour une durée entre 27 et 99 ans, n’implique l’imposition de droits d’enregistrement que de 2 % sur le montant cumulé des redevances, soit les loyers, prévues en contrepartie du droit concédé.

 

Le propriétaire, personne physique, pourrait dès lors concéder un droit emphytéotique à sa société immobilière qui serait libre de jouir des lieux et d’en tirer des revenus immobiliers soumis au même régime fiscal avantageux décrit supra. Le bail emphytéotique devra inclure à l’avance l’étalement de paiement des redevances périodiques qui seront également déductibles fiscalement dans le chef de société.

 

Dans le chef du propriétaire, ces redevances seront cependant taxées en tant que revenus immobiliers. Toutefois, si le nu-propriétaire a conventionnellement conservé le bénéfice des revenus locatifs de l’immeuble, il aura alors la possibilité d’être exempté d’impôt sur le montant cumulé des redevances perçu couvrant la valeur vénale du bien.

 

 

Droits de succession et planification successorale

 

La construction décrite ci-avant permet également d’optimiser fiscalement la transmission successorale d’immeubles en limitant les droits de succession applicables qui peuvent parfois atteindre les 30% en Région wallonne.

 

D’une part, une fois que le bail emphytéotique est établi avec la société immobilière, le nu-propriétaire peut procéder au don manuel des actions de cette société à ses enfants. Cette opération est exemptée de droits de donation. Au moment du décès, pour autant que le parent donateur ne décède pas dans les 3 années suivant l’acte de donation, les droits de succession ne seront ainsi dus que sur la valeur plus limitée de la nue-propriété de l’immeuble.

 

Afin d’éviter que des droits de succession ne s’appliquent également sur la créance des redevances restant à payer par la société immobilière au défunt, cette créance peut être préalablement cédée par le nu-propriétaire à ses enfants par un acte de donation. Cet acte de donation devra de préférence être passé devant un notaire hollandais afin d’éviter de payer des droits de donation sur la valeur de l’acte.

 

 

Dangers

 

Il est bien sûr évident que la constitution d’une société immobilière n’est jamais sans risque ni sans coût, notamment concernant le respect des obligations juridiques et comptables et les dangers inhérents à la gestion de sociétés commerciales comme les risques de faillite, etc.

 

Au niveau fiscal, si les revenus locatifs générés par la société immobilière ne sont pas suffisamment importants, il arrive que les revenus perçus in fine par les actionnaires par voie de dividendes soient plus imposés que s’ils avaient perçu directement ces revenus sous forme de loyers en tant que personne physique. Chaque cas doit dès lors faire l’objet d’une analyse spécifique.

 

Le contribuable devra également veiller à ne pas abuser des avantages fiscaux s’offrant à lui en réalisant des opérations successives trop suspicieuses, par exemple en cédant les actions de la société immobilière à ses héritiers directement après sa constitution…

 

Un des inconvénients majeurs de la société patrimoniale utilisée à des fins successorales est le fait que les héritiers deviennent propriétaires des immeubles de manière indivisible. En cas de désaccord entre eux, ils n’auront d’autres choix que de liquider la société.

 

Enfin, la vente éventuelle des actions de la société immobilière à un tiers sera certainement moins aisée qu’une simple vente d’immeuble entre personnes physiques bien que cela permette d’éviter le paiement de droits d’enregistrement.

 

 

Conclusion

 

Le recours à une société immobilière est donc généralement très intéressant dans un but d’optimisation fiscale. Ce type de construction est d’autant plus conseillé lorsqu’il s’agit de détenir des immeubles destinés à la location et à l’exercice d’une activité professionnelle.

 

La société immobilière peut également être envisagée dans un but de planification successorale qui permettra d’éviter l’imposition de droits d’enregistrement et de succession pouvant parfois atteindre des montants très importants dans notre Région.

 

Comme signalé précédemment, la meilleure solution devra être déterminée au cas par cas afin de tenir compte de l’importance des revenus générés et de la destination des différents immeubles.

 

 

FREDERIC LEDAIN                                                 CHARLINE NAHON