Les successibles universels et à titre universels ont une option à trois branches relativement à une succession échue :
- Accepter purement et simplement ;
- Accepter sous bénéfice d’inventaire ;
- Renoncer.
Il arrive
toutefois que le successible ne prenne pas position à l’égard de la succession.
Si le principe est que « Nul n’est
héritier contre son gré » (Article 775 du Code civil), des nuances
existent.
Quels sont
les possibilités ouvertes au créancier d’une personne décédée afin de recouvrir
la dette ? Quels biens constituent son assiette ?
La réponse
diffère en fonction de l’option héréditaire exercée – ou du défaut d’option.
Des différences existent également en fonction de l’existence ou de l’absence
d’un titre exécutoire obtenu avant le décès.
A.
L’héritier a accepté purement et simplement la
succession
a)
Le créancier dispose d’un titre exécutoire
Le créancier a la possibilité de poursuivre
l’exécution de la dette sur les biens de la succession, dont les
héritiers sont saisis de plein droit (article 724 du Code civil).
Selon
l’article 877 du Code civil, le créancier est également autorisé à recouvrir la
dette et à poursuivre l’exécution sur les biens personnels de l’héritier.
Il existe
néanmoins un préalable obligatoire : le créancier doit faire signifier le
titre exécutoire et respecter un délai d’attente de 8 jours avant de procéder à
l’exécution.
b)
Le créancier ne dispose pas d’un titre
exécutoire
Il convient d’assigner l’héritier en paiement de la dette. Le
recouvrement pourra s’effectuer tant sur les biens de la succession que
sur les biens personnels de l’héritier.
B.
L’héritier a accepté la succession sous bénéfice
d’inventaire
a)
Le créancier dispose d’un titre exécutoire
Le créancier a la possibilité de poursuivre
l’exécution de la dette sur les biens de la succession, dont les
héritiers sont saisis de plein droit (article 724 du Code civil).
Dans ce cadre, il apparait également nécessaire,
par mesure de précaution, et même si cela est controversé, de respecter
l’article 877 du Code civil : il s’agit de faire signifier le titre
exécutoire et de laisse s’écouler un délai de 8 jours.
En aucun cas
le créancier ne pourra saisir les biens personnels de l’héritier. En
effet, l’acceptation sous bénéfice d’inventaire empêche la confusion des
patrimoines (Article 802 du Code civil).
b)
Le créancier ne dispose pas de titre exécutoire
Lorsqu’un
héritier accepte une succession sous bénéfice d’inventaire, l’acte d’acceptation d’inventaire est publié au Moniteur
belge.
Il appartient dès lors au créancier de faire valoir sa
dette auprès de l’héritier bénéficiaire par simple lettre recommandée dans un
délai de trois mois à compter de la publication (Article 793 du Code civil).
L’héritier bénéficiaire est alors chargé de gérer et de
liquider la succession (Article 803 du Code civil).
Il ne peut effectuer aucun paiement avant l’extinction du
délai de trois mois susmentionné (Article 808 du Code civil).
A l’issue de ce délai, la dette sera payée par l’héritier
bénéficiaire, selon l’accord de tous les créanciers connus et uniquement sur
les biens de la succession, l’héritier bénéficiaire n’étant en principe
pas tenu sur ses biens personnels.
A défaut d’accord entre tous les créanciers, la
contestation devra être portée devant le Tribunal de la famille (Article 808 du
Code civil).
Il arrive néanmoins que l’héritier bénéficiaire soit
négligent et/ou ne procède pas à l’inventaire.
Dans cette situation, le créancier a deux moyens d’action.
1. Faire
désigner un administrateur
Il est possible pour le créancier de solliciter la
désignation d’un administrateur qui sera chargé de liquider la succession en
remplacement de l’héritier bénéficiaire (Article 804 du Code civil).
La procédure se déroule suivant les dispositions
applicables au référé.
Dans ce cadre, l’assiette du créancier n’est pas
modifiée : le recouvrement de la dette pourra s’effectuer uniquement sur
les biens de la succession.
2. Solliciter
la condamnation de l’héritier bénéficiaire comme héritier pur et simple
Lorsque
l’héritier bénéficiaire tarde à procéder à l’inventaire, il peut être condamné
à accepter purement et simplement la succession.
En effet, la
déclaration d’un héritier selon laquelle il accepte la succession sous bénéfice
d’inventaire n’a d’effet que si elle est suivie (ou précédée) d’un inventaire
fidèle et exact (Article 794 du Code civil).
Le créancier
doit toutefois respecter un double délai avant d’obtenir la condamnation de
l’héritier bénéficiaire comme héritier pur et simple (Article 795 du Code
civil) :
- Un délai de trois mois pour faire l’inventaire ;
- Un délai de quarante jours pour prendre
position, prenant cours à partir de l’expiration du délai de trois mois ou
de la clôture de l’inventaire.
Il s’agit de l’« exception
dilatoire » prévue à l’article 853 du Code civil. Le délai commence
à courir dès le lendemain du décès.
L’exception
dilatoire doit être soulevée in limine litis, c’est-à-dire avant tout autre
moyen.
L’héritier
bénéficiaire sera alors considéré comme ayant accepté la succession purement et
simplement, mais uniquement à l’égard du créancier l’ayant assigné en vertu de
la relativité de l’autorité de chose jugée (Article 23 du Code civil).
Attention :
le jugement de condamnation ne pourra être exécuté que lorsqu’il sera passé en
force de chose jugée, c’est-dire non susceptible de voie de recours ordinaire
(appel ou opposition) (Article
800 du Code civil).
L’avantage est que le créancier
sera autorisé à saisir tant les biens de la succession que les biens
personnels de l’héritier.
C.
L’héritier a renoncé à la succession
Les héritiers
sont saisis de plein droit des biens de la succession (Article 724 du Code
civil). Néanmoins, lorsque tous les successibles connus renoncent à la
succession, il n’y a, à mon sens, aucun héritier à charge duquel il est
possible de recouvrer la dette, fusse sur les biens de la succession.
Que le
créancier dispose d’un titre exécutoire ne sera dès lors d’aucune utilité en
l’espèce.
Il reste toutefois
possible de recouvrer la dette.
Pour ce
faire, il convient de faire désigner un curateur à succession vacante. Tout
tiers intéressé peut introduire la procédure par le dépôt d’une requête en
désignation de curateur à succession vacante.
Cependant, cette
procédure ne peut être entamée qu’après un double délai de trois mois et
quarante jours et si personne ne réclame la succession, pas même l’Etat
(Article 811 du Code civil).
Le curateur sera tenu d’établir un inventaire de la
succession et de la liquider (Article 813 du Code civil), et ce, conformément
aux dispositions de droit commun.
D.
Le successible reste en défaut d’opter
a)
Le créancier dispose d’un titre exécutoire
Le créancier a la possibilité de poursuivre
l’exécution de la dette sur les biens de la succession, dont les
héritiers sont saisis de plein droit (article 724 du Code civil).
Dans ce cadre, il apparait également nécessaire,
par mesure de précaution, même si cela est controversé, de respecter l’article
877 du Code civil : il s’agit de faire signifier le titre exécutoire et de
laisse s’écouler un délai de 8 jours.
b)
Le créancier ne dispose pas d’un titre
exécutoire
Il convient d’assigner les successibles universels
et à titre universel en paiement des dettes successorales.
Deux
possibilités s’ouvrent au créancier qui souhaite obtenir un titre exécutoire.
1.
Obtenir la condamnation du successible en sa
qualité d’héritier
Les héritiers
sont saisis de plein droit des biens de la succession en vertu de l’article 724
du Code civil. Dès lors, le créancier peut solliciter – sans délai – la
condamnation du successible à payer les dettes du défunt.
Dans ce cas,
le créancier ne pourra poursuivre l’exécution que sur les biens de la
succession et non sur les biens personnels de l’héritier.
2.
Obtenir la condamnation personnelle du
successible
Les créanciers peuvent poursuivre l’héritier
personnellement et solliciter la condamnation du successible comme héritier pur
et simple.
L’avantage est que le créancier sera autorisé
à saisir tant les biens de la succession que les biens personnels de
l’héritier.
Néanmoins, il convient de rappeler que le
principe est que nul ne peut être contraint à accepter une succession échue
(Article 775 du Code civil).
Si cette
action peut être intentée dès l’ouverture de la succession, la condamnation en
qualité d’héritier pur et simple de la succession ne peut être prononcée
avant le respect d’un double délai de trois mois et quarante jours
(Article 795 du Code civil).
Lorsqu’il est assigné alors qu’il n’a pas
encore pris position quant à la succession, le successible peut encore demander
une prolongation des délais qui doit néanmoins être accordée par le Tribunal de
la famille qui aurait été saisi de la contestation, et ce, en fonction des
circonstances (Article 798 du Code civil).
A l’issue du
délai, si le successible assigné n’a toujours pas pris position, le créancier obtiendra
sa condamnation comme héritier pur et simple.
Néanmoins, il est nécessaire de
faire signifier le jugement pour lui octroyer autorité de force jugée
(plus susceptible d’appel ni d’opposition).
En effet, aussi longtemps que le
jugement n’aura pas force de chose jugée :
- le successible conserve la faculté d’accepter sous bénéfice d’inventaire
ou de renoncer à la succession (Article 800 du Code civil) ;
- le créancier ne peut procéder à aucune mesure d’exécution (Article 800 du
Code civil).
Manon VIGNEAUX, ancienne collaboratrice
Julien VERMEIREN, ancien associé